vendredi 24 juin 2011

Du paradigme de l'éducation

Bonjour, je transmets un lien que je trouve intéressant. Je l'ai trouvé sur le site de" l'école en pyjama" que vous connaissez peut-être. L'analyse du système scolaire actuel est très saisissante et consciente. Je n'en dis pas plus et laisse votre curiosité cliquer sur le lien.

samedi 18 juin 2011

Un cadeau, ça se mérite, non ? grrrr

L'autre jour, Luckas (bientôt 2 ans et demi) recevait un vélo. Luckas adore le vélo et devant ce beau vélo bleu dans l'entrée du magasin, il n'a pas hésité: il l'a enfourché et a spontanément mimé qu'il pédalait. Voyant son enthousiasme et, même si le vélo est un peu lourd, je l'ai acheté. Il fallait le voir avec son beau casque, installé sur son vélo et tentant de pousser sur les pédales, pendant que je l'aidais à avancer en poussant le vélo pour rentrer à la maison. Il allait devoir encore faire quelques essais avant d'intégrer le mouvement et muscler ses petites jambes pour le faire avancer ce vélo ! en tout cas, ce sourire n'avait pas de prix ! Comme nous passions devant la boulangerie, nous sommes allés chercher du pain. Le vélo laissé dehors, Luckas, avec son casque, faisait grande impression. "C'est ton anniversaire ?" demande la boulangère. "euh, non… " réponds-je étonnée, "les plus beaux cadeaux, ce sont les cadeaux gratuits, non?". "Ah Oui" me répond-elle avec un grand sourire. Je rentre à la maison et mon mari découvrant avec beaucoup de plaisir le vélo de Luckas, me dit aussi "c'est pas son anniversaire pourtant". Euh.. quel est le rapport ? Je lui demande de préciser sa pensée et apparemment, pour lui, les "gros" cadeaux c'est lié à des événements importants de la vie (anniversaire, communion, mariage, etc.).

Donc, un vélo, c'est un gros cadeau et on le reçoit à des moments "importants", indépendamment de ses besoins ou de ses envies. Je ne comprends pas très bien, j'avoue. L'idée de "mérite" saute dans mon cerveau: avoir le droit selon son âge, son statut, etc.. et pas très loin, l'idée d'être sage, gentil, etc.. brrr, j'en ai froid dans le dos.

Et pourtant, j'ai l'impression que c'est bien comme ça que la plupart des gens fonctionne: il faut une raison pour recevoir quelque chose, ou alors il faut le "mériter". C'est toute l'idée de donner-recevoir qui est la derrière. Et de quoi Luckas a t-il besoin pour s'épanouir, de quoi ont besoin les enfants ? Je crois que les enfants ont besoin d'Amour inconditionnel et qu'une des manières de le leur montrer c'est de leur donner ce dont ils ont besoin ou envie, indépendamment de quoi que ce soit: l'anniversaire, un beau bulletin, avoir été sage, avoir fait un travail quelconque.

Alors oui, je sais, on ne peut pas tout offrir à nos enfants en permanence, effectivement. C'est un principe de réalité auquel les enfants se doivent d'être confrontés afin d'apprendre à partir de ce qui existe (mon portefeuille a ses limites et je n'ai pas envie de consommer pour consommer). Là n'est pas mon propos, mais si on a de toute façon l'intention d'acheter un vélo et qu'on en a les moyens ici et maintenant, pourquoi attendre un anniversaire ou un beau bulletin ? sinon, on conditionne notre cadeau…

Quelle expérience font-ils quand les enfants reçoivent ce dont ils ont besoin? quelque chose comme "mes désirs ont de la valeur, j'ai le droit de satisfaire mes besoins". Avec comme conséquence, l'apprentissage de pouvoir recevoir en dehors de toute condition. "Il ne faut pas faire quelque chose ou être comme ci ou comme ça pour que mes parents me payent ce dont j'ai vraiment envie ou besoin". Et plus tard, au-delà de l'aspect matériel, en tant qu'adulte, "je ne dois pas faire ou être comme ci ou comme ça pour "me" payer ce dont j'ai envie, pour me faire plaisir, pour faire ce que j'aime". Je prends conscience tout d'un coup que moi-même je me dis subconsciemment après une journée de travail bien chargée quelque chose comme, "ah je mérite de regarder un bon film, de lire un livre, de me détendre, de ne pas travailler ce soir". glups ! pas très harmonieux tout cela..

Comme si recevoir n'était pas normal, comme si se faire plaisir devait répondre à quelques conditions propres à chacun. Comme si cela ne coulait pas de source, que vivre une vie chouette où tous nos besoins sont satisfaits relevait de la science-fiction. Avec le Système de Croyances que l'on a (tout se mérite, on n'a rien pour rien, il faut être content avec ce qu'on a, etc…), cela me semble logique mais souhaitons-nous continuer à transmettre ces Croyances à nos enfants ?
Les libérer de ces "conditionnements" passe par notre propre remise en question, par une réflexion profonde sur ce dont ils ont vraiment besoin pour vivre une vie épanouie et dans l'Abondance.

Laurence Legrand
Aligneuse et Animatrice en Éducation Syntropique
www.blanchecolombe.be

mercredi 1 juin 2011

peindre




Hier, alors qu'on me demandait quelques idées pour faire de la peinture en famille, j'ai écrit cette réponse. J'ai pensé qu'elle pouvait intéresser certains d'entre vous.

Quelques notes de mes expériences :

Guider un enfant en peinture demande une grande patience et beaucoup d'accompagnement.
Que ce soit avec mes propres enfants, en atelier ou dans les écoles, j'installe toujours des assiettes (ou barquettes, ou godets) sur une table, et 1, 2 ou 3 pinceaux différents par couleur (petit, moyen, gros).
En général j'aime limiter à 5-6 couleurs, par exemple je vais proposer un nuancier qui ne contient ni vert, ni marron : et ce jour-là un enfant qui voudra dessiner un arbre selon les codes dont il a l'habitude (tronc marron + feuillage vert) va me demander comment faire, je vais donc l'inviter à trouver sa propre solution avec les couleurs proposées. Lui rappeler que sur son dessin il a le droit de dessiner un arbre bleu, un crocodile rouge, on fait comme on veut sur SA peinture.

J'essaie d'harmoniser les couleurs, une foncée, une claire, et de préférence "assorties"! Je les remélange toujours avec un peu d'une autre, un jaune éclairci avec du blanc, un bleu mélangé avec un goutte de blanc et de noir, un magenta dilué avec une pointe de jaune deviendra un beau rouge tomate… Les enfants adorent que je leur confie le pinceau pour mélanger. J'utilise uniquement des gouaches faciles à nettoyer, j'utilise 5 pots de bonne qualité (les 3 couleurs primaires + blanc et noir). À la fin, si l'enfant veut aider à ranger je lui confie des tâches précises à faire. Quant à rincer les assiettes, je préfère le faire moi-même, je conserve même souvent la peinture dans des godets fermés.

Je dispose d'un côté la peinture avec les pinceaux dans les assiettes (comme si on était à table!), un petit seau avec de l'eau pour rincer et des chiffons. Et d'un autre côté l'espace pour peindre. Je demande toujours aux enfants de peindre debout. Ainsi ils se déplacent de leur feuille à la table des peintures et reviennent à leur feuille, les enfants aiment bouger, et une fois lancés, leur déambulation devient comme une danse. Pour un ou deux enfants, on peut tout faire sur la même table. Si on peut accrocher les feuilles à la verticale c'est l'idéal, avec une grande planche un peu large posée contre un mur par exemple. J'accroche les feuilles par les angles avec du scotch de peintre (le jaune qu'on trouve dans les magasins de bricolage) et pour le papier, j'ai récupéré il y a déjà plusieurs années une fin de rouleau de papier dans une imprimerie. C'est génial. J'ai coupé des centaines de feuilles, et j'en ai encore!!! Sinon on peut peindre aussi sur des feuilles A4 ou A3 blanches toutes simples, et les assembler si le dessin a besoin de s'agrandir. J'ai remarqué que les enfants sont très à l'aise avec les pinceaux brosses. En magasin beaux-arts, on trouve des modèles de très bonne qualité, bon marché et qui tiennent plutôt bien l'usure. Enfin, j'organise le support de peinture de telle sorte que l'on puisse déborder de la feuille. Cela ne doit pas être un problème.

Je fixe et j'applique des règles assez strictes pour l'utilisation de la peinture, car demander de la concentration sur le geste permet de se détacher de sa peinture, et paradoxalement, de libérer ce geste.
Par exemple je demande qu'on fasse très attention à bien remettre le bon pinceau dans la bonne assiette. Si on se trompe bien sûr ce n'est pas grave, mais alors il faut laver le pinceau et l'essuyer dans un chiffon avant de le remettre à la bonne place. Idem si sur la feuille le pinceau de jaune s'est par exemple mêlé à du noir, il faudra le rincer avant de le replacer. Blouse obligatoire, même pour moi, comme ça on peut s'essuyer les doigts dessus! Et quand on se déplace avec le pinceau, on met toujours sa main en creux en-dessous. Enfin, on s'entraîne à tenir son pinceau un peu comme un stylo ; pour étaler la peinture on va dans un sens puis dans l'autre, en caressant la peinture avec le pinceau ; si ça ne glisse pas bien, on remouille le pinceau, ou on reprend de la peinture. Je prends parfois la main de l'enfant pour l'accompagner. Les enfants qui ont l'habitude des feutres ont tendance à écraser le pinceau pour en faire sortir la couleur. Je leur explique qu'on peint avec le bout du pinceau, qu'on doit en prendre le plus grand soin pour les garder et pour que les autres puissent s'en servir. Je suis très exigeante, et veiller à ce que ces règles-là soient appliquées est ce qui me demande le plus d'énergie! Le fait de mettre une blouse me met aussi dans une situation où j'ai une place claire auprès de l'enfant, je ne suis là que pour cet accompagnement, il n'y pas d'ambigüité sur mon rôle. (Et du coup, avec mes propre enfants… il n'y a pas de conflit, nous pouvons garder la bonne distance). Tous ces petits rituels s'abordent comme des règles de jeu, il faut les répéter souvent, mais je n'ai JAMAIS vu un enfant les contester ou les refuser!

Enfin, ce que j'appelle peinture libre est libre dans le sens où mon but est d'apprendre au participant à se sentir libre de peindre ce qu'il veut.
Et ça prend parfois/souvent du temps.

Quelques règles d'or :

- ne jamais demander à un enfant (ou un adulte) ce qu'il peint. On a le droit de peindre ce qu'on veut sans se justifier. Si un enfant souhaite me raconter ce qu'il est entrain de peindre, bien sûr je l'écoute, mais je ne fais aucun commentaire sur la ressemblance ou non avec la réalité. Il faut vraiment voir la peinture comme l'expression d'une intimité, et en respecter toute sa pudeur.
S'il y a plusieurs enfants, je les briefe avant de commencer, ils n'ont pas le droit de demander aux autres ce qu'ils sont entrain de faire, ils peuvent regarder, ils ont même le droit de penser que c'est moche, mais doivent se taire, leur jugement, il le gardent pour eux (interdit de dire : c'est pas comme ça qu'on fait!)… en revanche un compliment est toujours bienvenu!
Si tout le monde joue le jeu, et que l'adulte est bienveillant, alors tout le monde se sent à l'aise, et libre.

- je pars du principe qu'un enfant (ou un adulte) qui peint fait de toutes façons quelque chose de bien. Ça peut paraître simpliste, mais je dis toujours "c'est bien" ou à la rigueur "c'est très bien", mais jamais c'est génial / c'est super / c'est trop bien. Je pense que si l'on pose des expressions trop fortes sur ce qui se passe, on transforme ce moment de simplicité en un enjeu. L'enfant ayant spontanément le désir de bien faire, ce n'est pas la peine d'en rajouter. Puisqu'il veut bien faire (et chacun a sa façon et sa vision du bien faire) alors c'est bien, c'est tout, ça suffit.

- si l'enfant veut changer de feuille, il peut. Il a le droit de dire que son dessin est terminé même s'il n'a tracé qu'un trait. Seul son auteur sait quand il a terminé. Il n'est pas question de rentabiliser la peinture et le papier, il faut jouer le jeu.

- le moment de peinture est toujours limité dans le temps. Je préviens : on va peindre 1/2 heure, 1 heure. Et 10 minutes avant la fin, je demande à ce que l'on termine sa peinture.

- Enfin, j'interdis (dans la mesure du possible, ou alors j'exige le silence) à quelqu'adulte que ce soit d'assister à ce moment-là. Les seuls adultes autorisés sont ceux qui peignent avec les enfants, en respectant exactement les mêmes règles qu'eux. Les adultes ne se rendent pas compte de la portée de certaines de leurs paroles en présence des enfants, encore plus quand ils sont entrain de dessiner ou de peindre. Je me souviens qu'au début de mes expériences d'atelier, une maman était venue voir ce qu'avait fait sa fille à la fin de la séance, et lui avait demandé ce qu'elle avait peint. La petite fille avait désigné plusieurs créatures, des grenouilles, des poissons et des têtards, sa mère s'était soudainement exclamée, sur un ton amusé : "n'importe quoi! on dirait des spermatozoïdes!". Et la petite s'était recroquevillée de honte. Elle n'a plus osé peindre ce qu'elle voulait pendant plusieurs séances. Depuis cet épisode-là j'ai interdit l'accès de ces ateliers aux adultes. Les parents pouvaient voir les dessins de leurs enfants, mais sur RV et sans les enfants.
Je pars du principe qu'une peinture est l'expression d'un moment, d'un instant précis. À la fin de l'atelier, les peintures sont rangées dans un carton, mais jamais exposées, ni accrochées, juste archivées. On ne peint pas pour décorer la maison des parents ou de ses grands-parents, mais pour exprimer un moment, une idée. Sauf formulation, don ou demande expresse de l'enfant, je n'accroche jamais leurs peintures au mur. Cet aspect-là est très important pour mettre l'enfant en confiance, il doit pouvoir se sentir libre de peindre ce qu'il veut sans risquer de voir exposer aux yeux de tous ce qu'il aurait voulu garder pour lui. Les enfants on parfois besoin de peindre des choses qui ne les mettent pas forcément à l'aise vis à vis de leurs proches (je me souviens d'une jeune fille qui peignait des animaux qui saignaient et me demandait de ranger ses peintures au fur et à mesure, elle-même ne souhaitait plus les voir). Nous vivons aussi dans une société où tout ce que créé l'enfant est détaillé par les adultes, je suis contre les concours de dessins qui mettent en compétition ce qui à mon sens ne peut être mis en compétition, c'est comme si on faisait un concours du meilleur enfant, je trouve ça choquant. De la même façon que je ne supporte pas les analyses de dessins, je trouve ça intrusif et totalement déplacé. De quel droit peut-on parler à la place de l'enfant et dire : s'il a peint une montagne c'est parce qu'il a un obstacle à franchir? Pourquoi un enfant ne pourrait-il pas peindre une montagne simplement parce que c'est son désir de peindre au moment où il peint?!!! Ces idées-là ont mis du temps à cheminer pour moi, notamment en tant que parent, mais ça valait la peine d'essayer, on voit parfois son enfant représenter des choses qui ne nous plaisent pas, qu'on trouve moches ou déplacées (parfois ils ont besoin d'écrire des gros mots, (pré-ados surtout), il est important de laisser faire si ça arrive, une fois que c'est fait… ce n'est plus à faire!); à l'inverse, on peut admirer une peinture, mais ça reste selon nos critères d'appréciation, notre goût, et ce ne sont pas des raisons pour s'emparer de la création de son enfant. Dans tous les cas, il faut prendre sur soi et se rappeler qu'une peinture est un espace de liberté, et tout faire pour préserver cet espace.

Je tiens à préciser que ma pratique d'atelier est issue de deux "formations" : la première, officielle, m'a été dispensée à l'école des Arts Décos de Strasbourg lors de la première session de formation de plasticiens intervenants. La seconde vient directement de mes lectures des travaux d'Arno Stern, de mes rencontres avec divers praticiens et de mes propres expériences. Les notes ci-dessus sont celles du moment, il est évident que de la même façon qu'elles sont le résultat d'années d'observation, elles ne demandent qu'à cheminer encore.


Anaïs Massini